Les 10° et 11° rapports en commission

Date of article: 12/03/2024

Daily News of: 12/03/2024

Country:  Belgium - Wallonia and Federation of Wallonia-Brussels

Author: Regional Ombudsman of Wallonia and Federation of Wallonia-Brussels

Article language: fr

Après avoir remis officiellement les rapports annuels 2021 et 2022 aux Présidents des Parlements le 24 janvier dernier, il est de tradition que ces rapports soient examinés par les différentes commissions parlementaires.

Ce lundi 11 mars, le Médiateur de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Marc BERTRAND, a entamé ce parcours par la commission de la Fonction publique, du Tourisme et du Patrimoine.


©daviddannevoye

Lors de la présentation dans cette commission présidée par Olivier Maroy, en présence de la Ministe Valérie DE BUE, le Médiateur a évoqué les recommandations d'ordre général et les quelques recommandations spécifiques quant aux matières concernées.

C'est alors que les députés présents ont formulé leurs remarques, posé leurs questions et salué le travail qualitatif du Médiateur et de son équipe dans l'intérêt général des citoyens, des administrations, des parlements et gouvernements.Le Médiateur de rappeler et souligner que "dans 90-95% des cas, il n'y a pas de problèmes". Mais le rapport annuel est le fruit de la remontée des citoyens qui ont pu être confronté à un souci, une incompréhension. Il s'agit donc d'un outil essentiel à la transparence administrative et à la bonne gouvernance.

On retiendra particulièrement l'attention générale quant à la résolution visant à considérer l’accès à Internet comme un besoin essentiel et garantir la fourniture d’un accès minimal à internet de qualité et abordable ou encore celle visant à légiférer pour organiser le droit à l’erreur face à l’administration.

Du côté des matières visées, les domaines du Forem, des allocations familiales, du tourisme, du patrimoine, du contrôle technique et des délais de paiement par le contentieux ont été évoquées par les différents intervenants.

Le Médiateur et la Ministre ont ensuite répondu aux questions soulevées tout en précisant que des avancées sont déjà perceptibles concrètement depuis l'analyse de ces réclamations.


©daviddannevoye

Retrouvez l'intégralité de l'audition et du compte-rendu sur le site du Parlement de Wallonie

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Égalité salariale, les dernières recommandations de la Défenseure des droits

Date of article: 08/03/2024

Daily News of: 08/03/2024

Country:  France

Author: National Ombudsman of France

Article language: fr

À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la Défenseure des droits renouvelle ses recommandations en faveur de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

En février 2024, 8 fiches contenant des recommandations transversales pour lutter contre les discriminations ont été publiées. A l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la Défenseure des droits publie un nouveau document sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, intitulé « Lutter contre les discriminations fondées sur le sexe et garantir l’égalité salariale et de carrière entre les femmes et les hommes ».

Des écarts de rémunération toujours très importants

Selon une étude INSEE menée dans le seul secteur privé, le revenu salarial moyen des femmes en 2021 était inférieur de 24 % à celui des hommes (15,5 % en neutralisant le temps partiel pour une mesure à temps de travail identique). S’il s’est réduit de 6,6 points au cours des 25 dernières années, cet écart de rémunération demeure donc très important et conduit à une précarisation des femmes. 

Cette inégalité est le résultat de plusieurs facteurs, souvent combinés :

  • Des discriminations directes et indirectes fondées sur le sexe, la grossesse et/ou la situation de famille à l’embauche et dans l’évolution de carrière.
  • Le temps partiel, qui concerne plus d’une femme sur quatre, contre moins d’un homme sur dix.
  • Des interruptions de carrière des femmes plus fréquente que les hommes, notamment pour élever leurs enfants.
  • Le faible accès des femmes aux postes à responsabilités.
  • Le type d’études puis d’emplois effectués et la faible mixité des métiers.
  • D’avantage de freins dans l’accès à l’entreprenariat et à la formation professionnelle pour les femmes.
  • Par ailleurs, l’INSEE souligne qu’en 2023, à poste et à temps de travail égal, une femme gagne 5,3% de moins en moyenne qu’un homme. 

Garantir l’égalité salariale et de carrière entre les femmes et les hommes

Fort de ces constats et de différentes préconisations internationales, la Défenseure des droits formule plusieurs recommandations visant à garantir l’égalité salariale et de carrière :

  • Respecter l’obligation légale de mise en place de plans d’action contenant des mesures relatives à l’égalité salariale au sein des entreprises.
  • Améliorer l’index égalité ou le remplacer par un autre outil qui prendrait en compte plus d’éléments et serait élaboré dans le cadre du dialogue social et non plus de façon unilatérale par les directions des entreprises.
  • Garantir le principe d’un « salaire égal pour un travail de valeur égale », en demandant aux employeurs publics et aux partenaires sociaux d’évaluer sans délai les systèmes de classification des métiers et de revaloriser les emplois majoritairement occupés par des femmes, notamment dans les secteurs du soin, de l’enseignement et du lien social.

Les limites de l’index de l’égalité professionnelle

L’index de l’égalité professionnelle, instauré en 2018, a été conçu comme un outil à destination des entreprises pour mesurer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Chaque entreprise de plus de 50 salariés est obligée de le calculer et de publier les résultats sur son site internet. L’index, qui se calcule en s’appuyant sur plusieurs indicateurs, doit atteindre un résultat minimum de 85 points sur 100. Si la note obtenue est inférieure à 85 sur 100, l’entreprise doit entamer des négociations pour mettre en place des mesures de correction et des mesures financières de rattrapage salarial. Si le score est compris entre 75 et 85, l’entreprise doit se fixer des objectifs de progression. Si la note est inférieure à 75, l’entreprise a trois ans pour y remédier. Enfin, si l’entreprise n’a pas publié son index, si elle n’a pris aucune mesure, ou si sa note reste inférieure à 75/100 plusieurs années consécutives, elle s’expose à des sanctions.

En 2023, 72% des entreprises concernées ont publié leur note, et ont déclaré une note moyenne de 88/100. Au total, en France, seulement 77 entreprises affichaient un score inférieur à 75/100 depuis 2020. Ces très bons scores s’expliquent par les biais importants des différents indicateurs qui permettent de calculer l’index. En matière de transparence salariale, et afin de lutter contre les discriminations fondées sur le sexe, la Défenseure des droits recommande donc : 

  • De réviser l’index afin qu’il puisse notamment prendre en compte les éléments suivants : la part des salariés à temps partiel parmi les femmes et les hommes ; la répartition femmes/hommes parmi les 10% des salaires les plus bas de l’effectif de l’entreprise ; la totalité de la composition des salaires, y compris l’ensemble des primes perçues par les salariés, ainsi que les heures complémentaires et supplémentaires effectuées. 
  • L’index, ou l’outil qui le remplacera, devra être élaboré dans le cadre du dialogue social et non plus de façon unilatérale par les directions des entreprises. Il devra également être plus cohérent avec les dispositifs existants visant à favoriser l’égalité professionnelle (BDSE, plans égalité, etc.).

Consultez toutes les recommandations dans la fiche « Lutter contre les discriminations fondées sur le sexe et garantir l’égalité salariale et de carrière entre les femmes et les hommes ».

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Étude déontologie et relations police / gendarmerie – population : la nécessité d’asseoir une confiance réciproque

Date of article: 27/02/2024

Daily News of: 05/03/2024

Country:  France

Author: National Ombudsman of France

Article language: fr

Le Défenseur des droits publie ce jour les résultats d’une étude menée auprès des policiers et des gendarmes sur leurs attitudes vis-à-vis des relations avec la population, de la déontologie et des instances de contrôle interne et externe. Confiée à des chercheurs du Centre de recherches sociologiques sur le droits et les institutions pénales (CESDIP) et du laboratoire Pacte avec le soutien du Défenseur des droits et du Centre de recherche de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (CREOG), cette étude conforte les recommandations portées par la Défenseure des droits.

Perception du métier par les policiers et gendarmes

Les pratiques professionnelles suscitent des perceptions et résultats contrastés. Si l’usage de la force pour obtenir des aveux est réprouvé dans plus de 9 cas sur 10, près de 6 répondants sur 10 (59,8 %) considèrent que dans certains cas l’utilisation de plus de force que ce qui est prévu dans les textes devrait être toléré. Par ailleurs, la majorité des policiers et gendarmes considère que mener à bien leur mission est prioritaire sur le respect de la loi (51,8 % contre 45,2 %).

L’efficacité des contrôles d’identité ne fait pas non plus l’unanimité. En effet, alors que la Cour des comptes a estimé leur nombre à 47 millions pour l’année 2021, près de 40 % des policiers et des gendarmes jugent que les contrôles fréquents ne sont pas ou peu efficaces pour garantir la sécurité d’un territoire.

Les résultats de cette étude mettent également en lumière le fait que policiers et gendarmes ont une connaissance insuffisante du contrôle externe et des organes en charge de la déontologie. En effet, si plus de 99% ont entendu parler du code de déontologie, 45,7% estiment être insuffisamment formés aux règles de déontologie. Pour autant, la formation, lorsqu’elle existe, semble avoir un effet positif sur les attitudes des agents vis-à-vis des organismes de contrôle interne et externe.

Relations police / gendarmerie – population

Concernant l’idée que le policier ou le gendarme devrait informer et justifier son action devant les habitants, près d’un répondant sur deux (47,3 %) se montre en désaccord. Une part importante (40,8 %) des policiers et des gendarmes déclare avoir fait l’objet d’une insulte ou d’une agression verbale dans le mois précédent. Enfin, les policiers et gendarmes témoignent d’une faible confiance dans le public : seuls 23,8% des policiers et 34,3% des gendarmes sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle « on peut globalement faire confiance aux citoyens pour se comporter comme il faut ». 

Alors que ces chiffres témoignent de relations complexes entre la police et la gendarmerie et la population, la formation continue en la matière apparaît lacunaire : une faible minorité des gendarmes et des policiers ont bénéficié de formation dans l’année écoulée sur la désescalade de la violence (respectivement 12 % et 5,5 %) ou la capacité à « réagir face à une personne qui pense qu’elle n’a pas été traitée de manière juste ou respectueuse » (7,2 % et 6,1 %). De la même manière, près de la moitié des agents (45,7 %) se dit insuffisamment formée aux droits des citoyens : seuls 66,6 % ont étudié le droit des mineurs, 53,5% le droit de la non-discrimination, 28,8 % le droit des réfugiés et des étrangers et 20,1% les droits économiques et sociaux.

Des résultats qui confortent les recommandations du Défenseur des droits

Forte de ces résultats, la Défenseure des droits invite les pouvoirs publics et institutions concernées à mettre en oeuvre les recommandations qu’elle a formulées à de nombreuses reprises, telles que :

  • Renforcer la formation initiale et continue des policiers et des gendarmes, à laquelle le Défenseur des droits contribue, notamment sur :
    • les enjeux relatifs à la relation aux publics et la désescalade de la violence ;
    • l’obligation, dans l’usage de la force, du respect du principe de proportionnalité et notamment des conséquences physiques sur les personnes ;
    • la connaissance du rôle du Défenseur des droits, autorité indépendante chargée d’assurer le respect de la déontologie par les policiers et les gendarmes ;
    • les contrôles d’identité en veillant à ce que les modules dédiés soient effectivement suivis ;
  • Mettre en place un dispositif d’évaluation de la pratique des contrôles d’identité, de leur efficacité et de leur impact sur les relations avec la population et assurer leur traçabilité.

Contact presse :
Juliette REBELLES
Chargée de mission presse
Tél. : 01 53 29 22 72 / 06 75 08 05 33
juliette.rebelles@defenseurdesdroits.fr

 

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Fiscalité : recouvrement de plusieurs taxes

Date of article: 05/03/2024

Daily News of: 05/03/2024

Country:  Belgium - Wallonia and Federation of Wallonia-Brussels

Author: Regional Ombudsman of Wallonia and Federation of Wallonia-Brussels

Article language: fr

Les faits

Monsieur M. reçoit une mise en demeure interruptive de prescription de la part d’un huissier de justice dans le cadre du recouvrement de plusieurs taxes impayées pour un montant de plus de 1.100€.

A l’analyse des périodes réclamées et des dates auxquelles les avertissements-extraits de rôle ont été envoyés, Monsieur M. estime pouvoir bénéficier de l’application de la prescription pour la majorité des taxes réclamées.

Monsieur M. interpelle le Médiateur pour qu’il appuie sa demande auprès de l’administration fiscale wallonne..

L’intervention du Médiateur

A première vue, au regard des éléments transmis par Monsieur M., il s’avère que la plupart des taxes peuvent en effet faire l’objet de l’application de la prescription.
Après avoir interrogé l’administration fiscale wallonne, cette dernière lui transmet une copie de la sommation envoyée par le Receveur quelques années plus tôt qui avait eu pour conséquence d’interrompre le délai de prescription.

L’issue de la médiation

Bien entendu, Monsieur M. avait omis d’en avertir le Médiateur qui n’a pu que confirmer à ce dernier qu’aucun des montants faisant l’objet de la procédure de recouvrement n’étaient prescrits. Monsieur devra par conséquent s’acquitter de toutes ses taxes, même celle dont la période imposable datait de quasiment 10 ans !

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Contrôles d’identité : que dit le droit et comment mettre fin aux contrôles discriminatoires ?

Date of article: 15/02/2024

Daily News of: 21/02/2024

Country:  France

Author: National Ombudsman of France

Article language: fr

Sommaire

Le Défenseur des droits a été saisi à plusieurs reprises par des personnes ayant rencontré des difficultés lors de contrôles d’identité. Constatant des pratiques attentatoires aux droits et libertés des personnes contrôlées et au regard des études qu’il a menées ou demandées, il formule des propositions pour un meilleur respect des droits et libertés lors de ces contrôles.

Le contrôle d’identité est une opération par laquelle une personne doit justifier sur le champ et par tout moyen de son identité.

Les déplacements des citoyens dans l'espace public ne font en principe l’objet d’aucun contrôle. La liberté d’aller et venir est protégée par de nombreux textes, notamment par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et par l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».

Les contrôles d’identité impliquent le recours à un pouvoir de contrainte qui limite la liberté d’aller et venir.

Ils peuvent être justifiés par des objectifs légitimes comme la recherche des auteurs d’infractions et la préservation de l’ordre public. Cependant, ils doivent se concilier avec les droits et libertés des personnes contrôlées, notamment la liberté d’aller et venir et le droit au respect de la vie privée.

Ainsi, le cadre juridique des contrôles d’identité doit garantir un équilibre entre, d'une part, l'exercice des droits et libertés et, d'autre part, la recherche d’auteurs d'infractions et la préservation de l’ordre public.

Le cadre juridique des contrôles d’identité

Les contrôles d’identité ne peuvent être effectués que dans les situations prévues par la loi, par des personnes dépositaires de l’autorité publique et sous le contrôle des magistrats.

Le code de procédure pénale n’autorise les contrôles d’identité que dans certaines situations.

Les contrôles d’identité « judiciaires »

Les contrôles dits « judiciaires » ont vocation à rechercher et poursuivre les auteurs d’une infraction.
L’article 78-2 dans ses alinéas 1 à 6 autorise les contrôles d’identité de toute personne en cas d’indice apparent d’infraction pénale. Ces contrôles, réalisés à l’initiative des policiers et des gendarmes, se fondent, par exemple, sur le comportement de la personne contrôlée ou sur des indices laissant penser que cette personne correspond au signalement d'une personne recherchée.

Les contrôles d’identité « requis »

L’article 78-2 alinéa 7 prévoit les contrôles d’identité « requis ». C’est le procureur de la République qui sollicite, par une réquisition écrite, l’intervention des forces de l’ordre pour rechercher et poursuivre des infractions précises dans une zone géographique déterminée et pour une durée limitée. Ce sont des contrôles territorialisés sur initiative de l’autorité judiciaire.

Les contrôles d’identité « administratifs »

Les contrôles dits « administratifs » sont préventifs et n’ont pas pour objet de poursuivre une infraction. Ils sont prévus par l’article 78-2 alinéa 8 du code de procédure pénale et ont pour finalité de prévenir une atteinte à l’ordre public.

Ils peuvent avoir lieu dans le cadre des opérations de police administrative de maintien de l’ordre.

Le manque de clarté de la rédaction de cette disposition, a conduit le Conseil constitutionnel à préciser que « la pratique de contrôles d’identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle » et que pour cette raison, « l’autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, de circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public qui a motivé le contrôle » (Décision n° 93-323 DC du 5 août 1993, Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité).

Les contrôles d’identité frontaliers

L’article 78-2 alinéa 9 du code de procédure pénale prévoit des contrôles d’identité dans les zones frontalières. Ils permettent de procéder au contrôle d’identité dans une zone de 20 kilomètres aux abords des frontières ainsi que dans les ports, les aéroports et les gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international dans certaines hypothèses. Ces contrôles ne peuvent pas être pratiqués pour une durée supérieure à 12 heures et ne doivent pas consister en un contrôle systématique de toutes les personnes circulant dans ces zones.

Qui peut réaliser des contrôles d’identité ? 

L’article 78-2 alinéa 1 du code de procédure pénale prévoit que les contrôles d’identité ne peuvent être réalisés que par des officiers de police judiciaire ou par des agents de police judiciaire placés sous leur responsabilité.

Les agents de police judiciaire et agents de police judiciaires adjoints (policiers municipaux, adjoints de sécurité, gendarmes volontaires, agents de surveillance de la ville de Paris ou encore des agents de sécurité des services de transports…) peuvent procéder à des « relevés d’identité » (article 78-6 du code de procédure pénale) mais, à la différence des contrôles d’identité, les personnes concernées peuvent refuser.

Le législateur prévoit ainsi que la contrainte ne peut être exercée que par les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire placés sous leur responsabilité.

La Cour des comptes estime à 47 millions par an le nombre de contrôles d’identité

La Défenseure des droits a saisi la Cour des comptes afin qu’elle engage une étude sur les pratiques des contrôles d'identité. La saisine de la Défenseure des droits relevait le triple constat de l’absence de traçabilité des contrôles, d’un cadre légal insuffisamment protecteur face aux discriminations et d’une absence de contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Sa demande portait notamment sur le nombre de contrôles d’identité réalisés et sur l’analyse qualitative de ces contrôles (pour quelle efficacité, quelles suites et quels effets sur les relations entre population et police ?). La Cour a pris en compte ces questionnements et analysé la place de l’exercice de ces contrôles dans la stratégie de sécurité publique mise en œuvre par les forces de sécurité intérieure.

Dans son rapport du 6 décembre 2023, la Cour des comptes estime qu’environ 47 millions de contrôles d’identité ont été réalisés en 2021, dont 15 millions à l’occasion de contrôles routiers. La police et la gendarmerie n’assurent aucun suivi statistique de cette pratique. C’est la première fois que l’on dispose d’une telle estimation.

La Cour des comptes identifie en outre plusieurs lacunes dans le cadre juridique et les pratiques des contrôles d’identité, l’encadrement et leur contrôle. Une grande partie de ses conclusions rejoint les constats et recommandations du Défenseur des droits.  

Consulter le rapport de la Cour des comptes

Les contrôles d’identité discriminatoires

Un contrôle d’identité est considéré comme discriminatoire dès lors qu’il est réalisé selon des critères liés à des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable (Cass. 1re civ., arrêt, 9 nov. 2016, n° 15-24.210).
Il est prohibé et constitue une faute lourde engageant la responsabilité de l’État.

La mise en œuvre des contrôles doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes (Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-606/607 QPC du 24 janvier 2017).

La réalité des contrôles discriminatoires

Les contrôles discriminatoires ou ressentis comme tels sont une réalité sociologique documentée.

Une « Enquête sur les relations police-population » publiée par le Défenseur des droits en janvier 2017 confirme que sur un échantillon représentatif de plus de 5 000 personnes, « 80 % des personnes correspondant au profil de “jeune homme perçu comme noir ou arabe” déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années (contre 16 % pour le reste des enquêtés) ». La pratique des contrôles d’identité viserait donc surtout des jeunes hommes en raison de leur couleur de peau ou de leur origine réelle ou supposée.

Les « jeunes hommes perçus comme noir ou arabe » ont donc vingt fois plus de probabilités d’être contrôlés, par rapport à l’ensemble de la population. Ces jeunes témoignent également de relations plus dégradées avec les forces de l’ordre : ils rapportent être davantage tutoyés (40 % contre 16 % de l’ensemble), insultés (21 % contre 7 % de l’ensemble), ou brutalisés (20 % contre 8 % de l’ensemble).

Plusieurs études et rapports ont également établi la réalité de ces contrôles discriminatoires depuis des années (voir par exemple OSJI, CNRS, Etude « Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris », 2009).

D’après l’instruction des réclamations qu’il reçoit et ses travaux sur les pratiques des contrôles d’identité, le Défenseur des droits a constaté que, parmi les différents types de contrôles, ceux  visant à identifier les auteurs d'infractions ne posent pas de difficulté. Selon les informations recueillies, ce type de contrôle est utilisé de manière modérée et raisonnable.

En pratique, ces contrôles d'identité ont lieu lorsque les forces de l’ordre ont des raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction, ou lorsqu'une personne peut les renseigner sur une enquête ou fait l'objet de recherches par l'autorité judiciaire. Lors de ces contrôles, les fonctionnaires de police ou les militaires de la gendarmerie se fondent sur le comportement de la personne contrôlée ou sur des indices laissant penser que cette personne correspond au signalement d'une personne recherchée. En ce sens, ces contrôles relèvent d'une approche objective.

En revanche, pour les contrôles d’identité requis et administratifs, les travaux menés par le Défenseur des droits ont mis en évidence l’utilisation de critères purement subjectifs pour sélectionner les personnes contrôlées.
Or, ces contrôles sont les plus nombreux. Ils permettent en effet aux agents d’effectuer des contrôles sans qu’il soit nécessaire de les justifier et de sécuriser la procédure.

Ces contrôles (requis ou administratifs) peuvent être pratiqués sur toute personne indépendamment de son comportement.
Se pose alors la question de savoir comment les agents choisissent les personnes qu'ils contrôlent. Il apparaît que les forces de l’ordre se fondent en grande partie sur des critères subjectifs comme leur ressenti ou leur « instinct ». Ces critères peuvent être propres à chaque agent. En conséquence, le choix de la personne contrôlée peut reposer sur des facteurs multiples comme le profil de la personne, son origine ethnique réelle ou supposée, sa tenue vestimentaire, des stéréotypes.

La marge d’appréciation ainsi offerte par le droit actuel laisse les policiers et les gendarmes seuls avec leur propre instinct et leurs éventuels préjugés. Cela peut induire des comportements discriminatoires, volontaires ou non, et faire peser une suspicion sur l’ensemble des contrôles.

Le juge judiciaire comme le juge administratif ont reconnu en 2016, 2021 puis en 2023, la réalité des contrôles d’identité discriminatoires (Cour de cassation, 9 novembre 2016, n° 15-25873 ; Cour d’appel de Paris, arrêt du 8 juin 2021 ; Décision du Conseil d’Etat du 11 octobre 2023).

Un enjeu d’apaisement des relations entre la police et la population

Avec des dizaines de millions de contrôles d’identité réalisés chaque année, les comportements discriminatoires peuvent avoir des conséquences délétères sur les relations et le lien de confiance entre les forces de l’ordre et la population, en particulier les jeunes, ainsi que sur la cohésion sociale. La manière dont ils se déroulent est susceptible d’éroder la confiance portée à l’institution policière et à ses interventions. Dans la durée, cette dégradation des relations police-population affecte la cohésion sociale.

Le contrôle d’identité n’est pas un acte banal pour la personne contrôlée. C’est un acte d’autorité des forces de l’ordre et un moment potentiel de confrontation des citoyens à celles-ci.

Un contrôle discriminatoire ou perçu comme tel ou la répétition de contrôles d’identité sur les mêmes personnes sont de nature à engendrer un sentiment d’injustice et alimenter l’impression d’un contrôle abusif dans son motif ou dans son exécution. Enfin, les palpations de sécurité pouvant être opérées à l’occasion de ces contrôles sont souvent ressenties comme humiliantes et comme une atteinte à l’intimité.

Pour ces raisons, les contrôles d’identité peuvent instaurer un climat de méfiance envers les forces de l’ordre, des tensions et un sentiment de discrimination chez les personnes concernées.

La nécessité d’un meilleur encadrement et d’un contrôle effectif pour mettre fin aux contrôles discriminatoires

Pour que les contrôles d’identité soient effectués dans le respect des droits et des libertés, le Défenseur des droits recommande l’adoption de 7 mesures principales. 

La mise en place d’une évaluation de la pratique des contrôles d’identité 

De manière inédite, dans son rapport du 6 décembre dernier, la Cour des comptes constate l’absence de données, de recensement et d’évaluation des contrôles d’identité, alors qu’ils occupent une place centrale dans les actions des forces de l’ordre puisque leur nombre est évalué à 47 millions en 2021.

À l’instar de la Cour des comptes, la Défenseure des droits recommande la mise en place d’un dispositif d’évaluation de la pratique des contrôles d’identité, de leur efficacité et de leur impact sur les relations avec la population, ainsi que la publicité périodique des résultats de l’évaluation. 

Améliorer le cadre juridique 

Le Défenseur des droits constate que le cadre juridique des contrôles d’identité requis et préventifs laisse une trop grande marge d'appréciation aux agents et ne leur impose pas d’objectiver le choix de la personne contrôlée, ce qui peut donner lieu à des comportements discriminatoires inconscients ou non, liés au ressenti et aux préjugés des agents. Dans son rapport, la Cour des comptes a estimé que ce cadre peut entraîner des dérives dans les pratiques quotidiennes, qui peuvent être indétectables.

La Défenseure des droits recommande en conséquence de modifier le cadre légal des contrôles d’identité, en précisant à l’article 78-2 du code de procédure pénale que : 

  • d’une part, les contrôles d’identité ne doivent pas être fondés sur les critères de discrimination prévus par la loi; 
  • d’autre part, quel que soit le cadre juridique du contrôle effectué, le motif du choix de la personne contrôlée doit être objectivé et énoncé à la personne contrôlée, dans la mesure du possible.

Instaurer une traçabilité des contrôles d’identité

Lorsqu’une personne contrôlée n’est pas en mesure de justifier son identité ou refuse le contrôle, elle peut être retenue ou conduite dans les locaux de la police pour une « vérification d’identité » (article 78-3 du code de procédure pénale). Dans ce cas, il existe une trace écrite du contrôle d’identité qui est mentionné dans un procès-verbal. Il y a également une trace écrite lorsque le contrôle est suivi d’une retenue pour vérification du droit au séjour (article L.813-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) ou d’une garde à vue (article 62-2 du code de procédure pénale).

En revanche, si le contrôle ne donne lieu à aucune suite (vérification d’identité ou découverte d’une infraction) - ce qui est la très grande majorité des cas -, le contrôle d’identité ne fait l’objet d’aucune trace écrite.

Cette absence de traçabilité des contrôles d’identité est problématique car elle ne permet ni de mesurer le recours aux contrôles d’identité, ni d’identifier leur fondement juridique et les raisons qui ont motivé les contrôles. Il est donc difficile de quantifier les pratiques discriminatoires ou d’en apporter la preuve pour que la personne contrôlée puisse exercer ses droits.

L’absence de traçabilité rend très difficile voire impossible la preuve du caractère discriminatoire du contrôle, de sa légalité et même de son existence. Le recours de la personne contrôlée pour en contester la légalité devant les autorités compétentes devient un droit théorique et illusoire. De même, le contrôle de cette pratique que le législateur confie à l’autorité judiciaire est rendu inopérant par cette absence de traçabilité.
Cette situation ne permet pas non plus aux supérieurs hiérarchiques ou aux corps d’inspection (IGGN et IGPN pour le contrôle interne) de contrôler le respect par les forces de l’ordre de leurs obligations déontologiques et ainsi de remplir pleinement leur office.

De même, sans traçabilité, le contrôle externe de la déontologie des forces de sécurité exercé par le Défenseur des droits est amoindri.

La traçabilité des contrôles d’identité est donc nécessaire pour les personnes contrôlées en premier lieu mais aussi pour l’ensemble des acteurs.

Elle est également nécessaire pour évaluer l’efficacité des contrôles. Comment la hiérarchie est-elle en mesure d’évaluer le travail de ses agents si elle ne sait pas combien de contrôles sont effectués chaque jour, à quel endroit, à quelle heure et surtout, pour quels motifs, pour quelle efficacité ? 

La traçabilité des contrôles d’identité est essentielle pour garantir l’effectivité du droit d’agir en justice en cas de contrôle discriminatoire.

Sans traçabilité, le recours individuel en cas de discrimination est illusoire car très difficile à exercer.

C’est pour cette raison que la Défenseure des droits recommande la traçabilité des contrôles d’identité, afin de garantir aux personnes contrôlées la possibilité d’exercer utilement un recours. La meilleure méthode pour y parvenir devrait être déterminée en procédant à des expérimentations portant sur les différents moyens pour y parvenir, dont les résultats pourraient être rendus publics et communiqués au Défenseur des droits.

Le port du matricule d’identification (référentiel des identités et de l'organisation) par les policiers et les gendarmes est essentiel pour l’identification de l’agent contrôleur et la transparence de l’action des forces de l’ordre. À cet égard, dans une décision du 11 octobre 2023, le Conseil d’Etat a rappelé son caractère obligatoire et enjoint au gouvernement de prendre toutes mesures utiles pour faire respecter cette obligation dans un délai de 12 mois. 

Des pistes pour mettre en œuvre la traçabilité

En octobre 2019, le Défenseur des droits a organisé un séminaire intitulé « Les relations police-population : enjeux et pratiques » en présence de représentants des forces de police, d’autorités publiques, d’organismes de contrôle externes des forces de l’ordre, de juristes, d’associations et de chercheurs ainsi que de représentants d’organisations internationales et d’institutions de l’Union européenne. Des pratiques concrètes et des expérimentations qui avaient eu des résultats intéressants ont pu y être présentées. Elles ne sont pas directement transposables en France, mais elles font la démonstration qu’il est possible de faire davantage et mieux. 

Par exemple, en Grande-Bretagne, la traçabilité est assurée par l’enregistrement sur tablette du contrôle (stop and search) et la possibilité pour le réclamant de se rendre le lendemain au commissariat pour récupérer un récépissé portant mention de la justification du contrôle. 

L’enregistrement audiovisuel des contrôles d’identité par la caméra-piéton est régulièrement évoqué. Si cette mesure ne suffit pas à elle seule à permettre la traçabilité des contrôles d’identité, elle pourrait toutefois constituer un élément du dispositif, à la condition que le déclenchement de la caméra-piéton soit obligatoire et systématique en amont de l’opération, afin de disposer de l’enregistrement du début du contrôle, des circonstances précédant celui-ci, et de la justification verbale des motifs à la personne contrôlée. Ainsi, ces conditions de mise en œuvre permettraient de répondre aux insuffisances pointées du doigt par la direction générale de la police nationale en 2018.

Pour le Défenseur des droits, le dispositif de traçabilité retenu, quelle que soit la forme qu’il prendrait, devra permettre de garantir le droit à un recours effectif pour contester la légalité du contrôle.

Mieux encadrer la pratique des contrôles d’identité

La modification du cadre juridique des contrôles d’identité et leur traçabilité ne suffisent pas pour prévenir et lutter contre les comportements discriminatoires. Les conditions de mise en œuvre et les pratiques doivent être révisées. A cet égard, dans son rapport du 6 décembre 2023, la Cour des comptes pointe du doigt l’absence d’encadrement pratique des conditions d’emploi des contrôles d’identité, permettant d’assurer leur bonne exécution (absence de déroulé-type des contrôles, d’actes-réflexes pour les agents, de guides pratiques...).

La Cour des comptes relève en outre que l’encadrement opérationnel et hiérarchique, et le contrôle effectué par les inspections générales de la police et de la gendarmerie nationales, font défaut.

Pour le Défenseur des droits, il est donc nécessaire d’encadrer la pratique des contrôles d’identité en formalisant une doctrine d’emploi relative aux conditions du recours aux contrôles d’identité et au déroulé du contrôle (notamment concernant le recours aux actes connexes, tels que les palpations de sécurité et les inspections visuelles).

Il est également nécessaire de réaffirmer le rôle et les obligations des encadrants et de l’autorité hiérarchique directe dans l’encadrement des opérations et des pratiques professionnelles.

La Défenseure des droits partage la recommandation de la Cour des comptes relative au renforcement de l’encadrement de proximité et à l’organisation périodique de séances de retour d’expérience, en s’appuyant notamment sur les enregistrements issus des caméras-piétons. 

La procédure pénale place les contrôles d’identité sous la responsabilité des officiers de police judiciaire. Leur rôle d’encadrant est déterminant pour promouvoir des pratiques respectueuses des droits et des libertés et veiller lors des contrôles à ce que les droits soient respectés.

L’encadrement des pratiques doit nécessairement être accompagné d’un renforcement de la formation des agents de police et gendarmerie. 
Il faut donc renforcer les modules dédiés aux contrôles d’identité dans les formations initiale et continue des forces de l’ordre, en veillant à ce qu’ils soient effectivement suivis. Plus précisément, il est recommandé de :

  • intégrer des modules pratiques sur l’identification et l’interdiction des comportements discriminatoires, les pratiques à ne pas suivre et les moyens d’améliorer les relations des agents de la force publique avec la population ;
  • impliquer la hiérarchie pour qu’elle soit partie prenante d’un réel changement de culture dans l’institution ;
  • évaluer l’efficacité de ces modules de formation dans le cadre d’un suivi sur la conformité des pratiques professionnelles.

Garantir l’effectivité du contrôle du parquet sur les contrôles d’identité requis et préventifs

Le code de procédure pénale place les contrôles d’identité sous le contrôle de l’autorité judiciaire. En application de l’article 66 de la Constitution, « l’autorité judiciaire est gardienne des libertés individuelles ». Le Conseil constitutionnel l’a rappelé à plusieurs reprises. 

Le contrôle a priori par le procureur de la République

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 78-2 du code de procédure pénale alinéa 7, le procureur de la République exerce son contrôle lors de la délivrance de la réquisition. Ce contrôle de légalité et d’opportunité, réaffirmé par le Conseil constitutionnel en 2017, porte notamment sur les infractions recherchées, le périmètre géographique et la période concernés par les contrôles d’identité. Ce contrôle est d'autant plus important qu'une fois la réquisition délivrée, aucune obligation de motivation des contrôles d’identité effectués n'est exigée au moment du contrôle.

Pourtant, l’effectivité de ce contrôle par l’autorité judiciaire pose problème. La Cour des comptes l’a relevé dans son rapport du 6 décembre 2023.

En pratique, du fait de la charge de travail des magistrats du parquet et de la demande croissante de réquisitions, les procureurs ont rarement la possibilité de procéder en amont à un contrôle rigoureux des réquisitions qu'ils délivrent. 

Les travaux du Défenseur des droits lui ont permis de constater que certains parquets délivraient des réquisitions limitées dans le temps (6 heures par exemple) mais qui se succédaient de manière à couvrir tous les jours de la semaine, contrairement aux prescriptions légales. De même, certaines réquisitions visent de très nombreuses infractions ou déterminent une zone géographique qui peut varier de quelques rues à un quartier ou à l’intégralité d’une Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP). Cela revient à généraliser la pratique de contrôles d'identité discrétionnaires dans certaines zones géographiques.

Le contrôle a posteriori par le procureur de la République

Au-delà du contrôle des réquisitions, le procureur de la République n’est informé des contrôles d'identité que si la personne contrôlée est par la suite placée en garde à vue. Si le contrôle n'aboutit à aucune procédure, le procureur n'en a pas connaissance.

À la suite des arrêts de la Cour de cassation du 9 novembre 2016, le ministère de la justice a diffusé le 6 mars 2017 une dépêche (CRIM-PJ N° 05-28-H8) préconisant la réalisation de comptes-rendus systématiques relatant le déroulement des opérations de contrôle d’identité administratifs et requis. Elle demande en particulier que le rapport remis par le chef du service de police ou de l’unité de gendarmerie ayant procédé aux contrôles, comporte « des précisions relatives au cadre juridique et aux modalités des contrôles, des informations statistiques et tout élément permettant à l’autorité judiciaire de s’assurer du caractère non discriminatoire de ces contrôles, à travers notamment la présentation des critères ayant présidé au choix des personnes à contrôle ».

Le Défenseur des droits a sollicité du ministère, en 2019, la communication d’un bilan de la mise en œuvre de cette dépêche. Le bilan communiqué laisse apparaître que les procureurs n’ont pas de visibilité sur la mise en œuvre des contrôles qu’ils ont diligentés. De ce fait, ils n’exercent pas effectivement le contrôle qui leur incombe.

Dans son rapport du 6 décembre 2023, la Cour des comptes partage le même constat : « la mise en œuvre des réquisitions ne fait l’objet que d’un contrôle superficiel de la part des parquets, principalement par manque de temps comme cela a été relevé à propos des demandes de réquisitions ».

L’effectivité du contrôle de l’autorité judiciaire étant une garantie essentielle du respect des droits et des libertés, la Défenseure des droits recommande l’adoption de mesures garantissant que ce contrôle soit effectif et que la dépêche du ministère de la justice soit mise en œuvre.

Garantir l’effectivité des enquêtes en cas de plainte et des réponses adaptées aux comportements discriminatoires

Le Défenseur des droits, comme la cour d’appel de Paris dans des arrêts du 8 juin 2021, ont pu constater qu’une plainte dénonçant un comportement discriminatoire d’un agent de police ou de gendarmerie lors d’un contrôle d’identité n’est pas suivie rapidement d’une enquête effective.  Celle-ci implique une indépendance de l’autorité enquêtrice ainsi qu’une célérité dans le recueil des preuves disponibles (identification des agents mis en cause, enregistrements vidéos des caméras-piétons, des caméras de surveillance, consultations des fichiers, rapports, témoignages…) pour vérifier l’allégation de discrimination.

La Défenseure des droits recommande que des mesures soient prises pour que les enquêtes soient effectives en cas de plainte pour comportements discriminatoires, que celle-ci soit déposée auprès de l’administration (y compris auprès des inspections générales) ou de l’autorité judiciaire.

Elle recommande également, à l’instar de la Mission Vigouroux, que l’autorité hiérarchique joue pleinement son rôle dans la détection des signes laissant suspecter un risque de discrimination et leur devoir de remontrance à cet égard, ainsi que leur devoir de traiter sans tarder les discriminations établies par des réponses adaptées. 

À cet égard, compte tenu des conclusions de la Cour des comptes dans son rapport sur les inspections générales, la Défenseure des droits préconise de prendre des mesures pour améliorer leur mission de contrôle par un suivi détaillé du traitement des signalements relatifs aux contrôles d’identité.

En pratique : les 7 recommandations principales du Défenseur des droits sur les contrôles d’identité

Mise à jour au 30 janvier 2024

  1. Mettre en place un dispositif d’évaluation de la pratique des contrôles d’identité, de leur efficacité et de leur impact sur les relations avec la population et veiller à une publicité périodique des résultats obtenus. 
  2. Modifier le cadre légal des contrôles d’identité, en précisant à l’article 78-2 du code de procédure pénale que 
    • les contrôles d’identité ne doivent pas être fondés sur les critères de discrimination prévus par la loi ; 
    • quel que soit le cadre juridique du contrôle effectué, le motif du choix de la personne contrôlée doit être objectivé et énoncé à la personne contrôlée, dans la mesure du possible.
  3. Encadrer la pratique des contrôles d’identité : 
    • en formalisant une doctrine d’emploi relative aux conditions du recours aux contrôles d’identité et au déroulé du contrôle (notamment concernant le recours aux actes connexes, tels que les palpations de sécurité et les inspections visuelles) ;
    • en réaffirmant le rôle et les obligations de l’autorité hiérarchique directe dans l’encadrement des opérations et des pratiques professionnelles. 
    • en renforçant l’encadrement de proximité et en organisant périodiquement des séances de retour d’expérience, en s’appuyant notamment sur les enregistrements issus des caméras-piétons. 
  4. Renforcer les modules dédiés aux contrôles d’identité dans les formations initiales et continues des forces de l’ordre, en veillant à ce qu’ils soient effectivement suivis.
    • intégrer dans ces modules l’interdiction des comportements discriminatoires et les moyens d’améliorer les relations des agents de la force publique avec la population.
    • impliquer la hiérarchie pour qu’elle soit partie prenante d’un réel changement de culture dans l’institution ;
    • évaluer l’efficacité de ces modules de formation sur la conformité des pratiques professionnelles. 
  5. Assurer la traçabilité des contrôles d’identité par tous moyens, lesquels pourraient être définis à la suite d’expérimentations, afin de garantir aux personnes contrôlées la possibilité d’exercer utilement un recours, notamment en cas d’allégation de discrimination. 
  6. Garantir l’effectivité du contrôle du parquet sur les opérations de contrôles d’identité, en police judiciaire comme en police administrative, tel que préconisé par le ministère de la justice dans la dépêche du 6 mars 2017 (CRIM-PJ N° 05-28-H8) ; particulièrement concernant les contrôles d’identité réalisés sur réquisitions judiciaires : 
    • au moment de la délivrance des réquisitions, pour vérifier la légalité et l’opportunité des opérations sollicitées ; 
    • après la réalisation des opérations à partir du rapport devant être remis par le chef du service de police ou de l’unité de gendarmerie ayant procédé aux contrôles, lequel doit comporter « des précisions relatives au cadre juridique et aux modalités des contrôles, des informations statistiques et tout élément permettant à l’autorité judiciaire de s’assurer du caractère non discriminatoire de ces contrôles, à travers notamment la  présentation des critères ayant présidé au choix des personnes à contrôler ».
  7. Garantir l’effectivité des enquêtes et des réponses aux comportements discriminatoires
    • Garantir l’effectivité de l’enquête dès lors que les autorités compétentes, administratives et/ou judiciaires, sont saisies d’une plainte pour contrôle d’identité discriminatoire. Cela implique une indépendance de l’autorité enquêtrice ainsi qu’une célérité dans le recueil des preuves disponibles (identification des agents mis en cause, enregistrements vidéos des caméras-piétons, des caméras de surveillance, consultations des fichiers, rapports, témoignages…) pour vérifier l’allégation de discrimination ;
    • Réaffirmer le rôle de l’autorité hiérarchique dans la détection des signes laissant suspecter un risque de discrimination et leur devoir de remontrance à cet égard, ainsi que leur devoir de traiter sans tarder les discriminations établies par des réponses adaptées.
    • Renforcer le contrôle interne exercé par les inspections générales par un suivi détaillé du traitement des signalements relatifs aux contrôles d’identité afin de leur permettre une appréciation globale du respect de la déontologie des contrôles d’identité par les forces de l’ordre ;
    • Garantir l’effectivité du contrôle externe exercé par le Défenseur des droits :
      • En lui octroyant les moyens nécessaires ;
      • En lui garantissant l’accès à l’ensemble des éléments nécessaires à l’exécution de sa mission ; 
      • En portant toute l’attention nécessaire à ses saisines de l’autorité investie du pouvoir d’engager les poursuites disciplinaires, en répondant à celles-ci, et en motivant les éventuelles décisions subséquentes de ne pas engager de poursuite disciplinaire.

 

Textes et références

Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789

Déclaration universelle des droits de l’homme (article 13)

Code de procédure pénale, Chapitre III : Des contrôles, des vérifications et des relevés d'identité (Articles 78-1 à 78-7)

Code de déontologie de la gendarmerie et de la police nationale

Conseil constitutionnel, décision n° 93-323 DC du 5 août 1993, Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité

Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-606/607 QPC du 24 janvier 2017

Cass. 1re civ., 9 novembre 2016, n° 15-24.210

Cass. 1re civ. 9 novembre 2016, n° 15-25873

Cour d’appel de Paris, 8 juin 2021, 2018/28120

Conseil d'État, Assemblée, 11/10/2023, 467771

Défenseur des droits, Enquête sur l’accès aux droits - volume 1 - Relations police / population : le cas des contrôles d'identité, 2017

OSJI, CNRS, Etude « Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris », 2009

Cour des comptes, Les contrôles d’identité – Une pratique généralisée aux finalités à préciser, 2023

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